Stesi - Cinestesi
116 pages
Language: French
21 x 29.7 cm
Softcover, including an original artwork by the artist
Publisher: Self-published
Limited edition of 100 copies signed and numbered by the artist
2021
17 MARS 2020 : pendant que des millions de personnes entament en France un premier confinement qui durera environ deux mois, musées, cinémas, salles de concerts et théâtres ferment leurs portes, sans qu’une date de reprise des activités puisse être envisagée. Au cours des jours et des semaines suivantes, tandis que bulletins épidémiologiques et discours de Macron scandent la vie d’une nation entière, la consommation de bande passante explose.
Comme à Wuhan, les rues des villes françaises se vident, les rideaux de fer des magasins se baissent, pendant que de rares passants rentrent chez eux du supermarché ou après s’être dégourdis dans le périmètre d’un kilomètre imparti par le gouvernement. Cette frontière invisible affecte tous, riches et pauvres, jeunes et retraités, mais elle perturbe particulièrement la vie de ces artistes aux yeux desquels la ville n’est pas seulement une source d’inspiration, mais aussi un atelier et le lieu où exposer son art.
A distance d’un an, des souvenirs émergent d’images rapides qui défilent sur un feed Instagram, comme ce trait blanc tracé à la craie sur la chaussée d’une route de campagne par Eltono, pour rendre visible cette frontière qui ne l’est pas, ou cette infirmère avec le masque de Superman peinte par Fake, qui incarne à elle-seule tous les portraits de soignants aux allures de super-héros réalisés par des artistes du monde entier. Ces images iconiques ont marqué les esprits, mais il est temps aujourd’hui de questionner plus largement la réaction des artistes au confinement, pour laisser émerger le travail de figures, comme Stesi, qui ont continué de peindre dans la rue presque comme si rien n’était.
Entre mars et mai 2020, Stesi peint sans relâche. Dans la rue, murs et camions continuent d’être ses supports privilégiés, mais le confinement conditionne aussi sa pratique d’atelier. En quelques semaines seulement, Stesi produit une trentaine de toiles, dont la réalisation constitue le point culminant d’une réflexion sur le rapport de l’artiste aux spectateurs, alors même que leur relation passe à travers le filtre d’un écran. Pour un artiste, habitué à disséminer son art dans la rue et à observer les réactions spontanées des passants, cette mise à distance du public n’est pas simple à accepter. Photographier son art pour garder le contact sur Internet est un premier pas, mais comment transmettre cette atmosphère qui participe à faire naître et vivre les œuvres dans la rue ? Comment matérialiser ce temps - de création et de vie d’œuvres éphémères par nature - que les spectateurs découvraient jusqu’ici par eux-mêmes ?
C’est à ce stade que l’idée de l’exposition Cinestesi est apparue, tel un moyen pour retranscrire le cheminement de Stesi après avoir compris que montrer la face cachée de sa pratique de rue et d’atelier représentait la meilleure voie à suivre pour court-circuiter les barrières imposées par la confinement.